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70 « Il faut faire tomber les limites qu’on nous a imposées »conférence du 22 avril 2006

Pour tous ceux et celles qui n’ont pas eu la chance d’assister au Cabaret Mystique extrait de la conférence d’Alexandro JODOROWSKY du22 avril 2006 à la librairie « Les Cents ciels »

Voyons d’abord les 12 déviations de GURDJIEFF : c’est un petit exercice que je vous conseille de faire :

On n’est pas une seule personne, on a plusieurs ego. Un de tes moi prend la direction de ta vie à un moment, puis c’est un autre moi qui te fait prendre une autre direction. Les initiés essaient de coaguler tous les moi dans un moi directeur toujours présent et invariable. C’est un moi qui dirige tous les autres moi. Ces différents moi on les connaît, on peut les nommer. Par exemple « petit Pierre le timide » ou « Alexandre l’exhibitionniste » ou « Joachim le jaloux ». Il faut voir ses déviations et leur mettre un nom. Je vous recommande de le faire.

Barbara : J’ai fait l’exercice. Pour ceux qui me connaissent, j’espère que cela les fera rire : d’abord « Cruella », puis « le petit chaperon rouge », enfin, mais j’hésite quand même, « Benito Mussolini ».

Ensuite, parlons de nos limites :

On parle souvent de créativité. En réalité pour trouver la créativité, ce n’est pas nécessaire de la chercher car on est tous créatifs. Pour arriver à la créativité il faut faire tomber les limites qu’on nous a imposées.

On nous a imposé des limites spatiales, par exemple. On vit dans des maisons carrées, cubiques. On nous a cassé notre conception de l’espace infini et dans notre tête nous avons un territoire qui est limité. On n’a pas voyagé dans l’infini dans toutes les directions. Pour être créatif il faut savoir voyager dans toutes les directions.

On nous met aussi des limites temporelles. Il y a des personnes qui n’arrêtent pas d’être préoccupées par l’âge, elles ont l’obsession de l’âge « tu as vieilli, j’ai vieillis, on vieillit.. » elles n’arrêtent pas d’être submergées par le problème de l’âge. C’est un manque absolu de créativité. La première chose que Bouddha a faite dans ses méditations c’est d’imaginer l’infini de l’infini de l’infini de l’espace. Et après il a imaginé l’infini de l’infini de l’infini du Temps.
Il a raconté cette histoire :

un oiseau cosmique vient sur une montagne et avec son bec enlève une parcelle de la montagne et s’en va. Et Bouddha dit « quand cet oiseau vient chaque 1000 années et qu’avec ses coups de bec il enlève un peu de la montagne, ce n’est qu’une minute d’éternité quand toute la montagne sera détruite ». Bouddha était capable de voir l’éternité et de méditer dans l’infini.

Après on nous a mis des limites en nous. On nous dit « qui es-tu pour me dire cela ? » on essaie de nous définir mais le « moi » est grandiose. Tu peux te sentir immense. On nous habitue à nous imaginer comme de pauvres personnes, toutes petites, sado masochistes, masochistes, humiliées, sans droits dans notre système économique. On nous met des limites à nous unir au monde. Mais la créativité te dit « le monde est à moi » et donc je vais me préoccuper du monde. Je vais commencer à agir pour le monde car il est à moi.

Je suis à moi, et donc qui je suis ? Là tu commences à te rendre compte que l’univers commence avec le désir de créer la conscience. C’est le but de l’univers : devenir conscient. Quand je parle cela vient d’une pierre, de la matière. La matière est capable d’inventer des mots, des cerveaux. L’univers nous a donné un cerveau de millions et millions de neurones. Mais nous n’appliquons pas ce cerveau à notre réalité, car c’est une réalité qui vient de la société. Nous venons d’un singe qui marche à 4 pattes, après on se redresse en 30.000 ans, pas plus. Imaginez où on va arriver dans les prochains 30.000 ans ! Du cerveau reptilien on est passé au cerveau mammifère, puis au cortex et on va passer au quatrième cerveau, au sixième cerveau. En ce moment nous sommes comme des gorilles, on n’arrive pas à comprendre tout. Dans 30.000 ans on va nous voir comme des gorilles parce que notre cerveau n’est pas fait pour penser l’impensable. Plus tard on pourra. Dans notre cerveau il y a le futur. On est préparé à voyager dans l’univers, on est préparé à tout, mais nous faisons des réseaux de neurones limités. Chaque personne a un réseau différent, mais limité. Mais les réseaux que nous pouvons faire sont infinis. Quand est-ce qu’on va arriver à être ce que l’on est dans le futur ? Quand toutes les cellules de nos cerveaux vont être unies par des réseaux. Là on aura une puissance universelle.

Mais il y a une répétition qui se fait qui vient de la Préhistoire. Il y a des choses qui vont se répéter par imitation. Là commencent à naître la génétique, l’Arbre Généalogique, la société, la culture. Cela a été nécessaire pendant un temps pour le petit cerveau que l’on avait. La religion était absolument nécessaire. Mais ce n’est plus nécessaire maintenant qu’elle soit comme elle était. On peut voir des personnes qui vivent dans le passé, qui ont des croyances qui ne correspondent pas au XXIème siècle. Un Pape sans Papesse ne nous correspond plus. Des hommes qui prient à La Mecque sans les femmes avec eux, ne nous correspond plus. Et prier un Dieu extérieur au lieu de prier un Dieu intérieur, cela ne nous correspond pas. Nous sommes en voie de développement, nous sommes là pour aider le monde, le monde nous attend.

On arrive dans le ventre maternel merveilleusement doué pour être l’être que l’on va être et on babille avec la possibilité de parler toutes les langues de la planète. Mais nos parents vont faire de nous un français, un espagnol, un juif, un arabe. Ils vont nous réduire toutes nos possibilités à l’imitation de la famille, de la société, de la culture. Nous sommes des êtres coincés car nés dans un moment de l’Histoire. Mais quand on arrive au monde dans le premier moment, on est immortel. Plus tard on mourra au bout de 30.000 années. Mais tout de suite la génétique tombe sur nous et nous fait imiter ce qui a déjà été fait. On va nous mettre un visage, on va nous faire homme alors qu’on devrait être femme et inversement, on va nous faire malades etc.. On va nous limiter par imitation de la famille. Donc va se produire le premier conflit, car naître c’est une merveille. Quand on commence à s’illuminer on arrive à cet être immortel que l’on est, à cet être sans limite que l’on est, à cette merveille que l’on est qui rentre absolument en conflit avec toutes les limitations que nous vivons. On a été singe, on n’arrête pas d’imiter. Ce n’est pas par hasard que le singe ou le chien sont le symbole de l’ego. Le chien imite son maître.

Qu’est-ce qu’une personne qui se cherche peut faire ? je l’ai fait, sur la vie de mon chat. Ecrire toutes les idées reçues et les brûler. J’ai écrit toutes les idées que j’avais dans ma tête. Par exemple « c’est pour toute la vie » ou « respectez vos parents », « il n’y a rien après la mort » etc…

Pourquoi mes sentiments sont imités ? Mes vrais sentiments je ne les connais pas parce que ceux que je crois avoir viennent des idées folles que j’ai dans la tête et des imitations des autres personnes. Dans tout ce que je capte d’une personne, il y a des sentiments imitateurs qui arrivent. Mes désirs sont imités, mes réactions devant la menstruation sont imitées, mes réactions devant l’orgasme sont imitées. Mes besoins aussi « j’ai besoin de cette maison, de cette voiture, je veux être applaudi là, je veux triompher ». Il faudrait arriver à te rendre compte comment approcher le plus près possible de ton authenticité. Tu n’as pas besoin de dire ce que l’on veut que tu dises, d’être ce qu’on veut que tu sois. Tu as besoin d’être ce que tu es.

Chacun de nous a une responsabilité universelle.

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