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54 « on peut changer son passé »

Pour tous ceux et celles qui n’ont pas eu la chance d’assister au Cabaret Mystique,
extrait de la conférence d’Alexandro JODOROWSKY du 22 janvier 2005 (2) à la librairie « les Cents Ciels »

Comment aider quelqu’un ?
Quand je lis les TAROTS, je me mets dans un état de réception totale, je m’oublie moi-même. La personne est là avec son problème et j’ai une vision claire de la personne, de sa prison de sa personnalité, de la prison du mental. Comment la sortir de sa prison  ? C’est très, très difficile de changer. Si toi tu ne changes pas, personne ne peut te changer, si toi tu ne te guéris pas, personne ne peut te guérir. Quelqu’un peut te guérir le symptôme mais la source de ta douleur, de ton mal être, il n’y a que toi qui peut la trouver et la joie de vivre, c’est toi qui doit la trouver.

Alors comment faire pour effacer les limites de la personnalité de la personne. Pas se perdre, non, mais vivre mieux, plus tranquille, créativement ?

On va faire un petit cours aujourd’hui, tout le monde va travailler, du plus simple au plus complexe. On va travailler avec la mémoire :

1- Rappelez-vous quelque chose du passé, que vous avez-vu ou quelque chose que vous avez fait. C’est facile : par exemple « je me rappelle que j’ai caressé mon chat », il ronronnait
2- Rappelez-vous quelque chose que vous avez vécu réellement
3- Rappelez-vous, maintenant, de quelque chose que vous avez rêvée ou lu.

Il n’y a pas de différence entre quelque chose que vous avez fait et quelque chose que vous avez rêvé. Le mémoire de ce que vous avez rêvé et la mémoire de ce que vous avez vécu, c’est pareil. Rêve et réalité sont devenus pareils. C’est important de le savoir. Qu’est-ce qui est intéressant dans la mémoire ? c’est le contenu qui a un impact sensoriel plus fort. C’est le réel en vous. Alors il faut chercher dans la mémoire les choses qui sont les plus sensoriellement présentes et celles qui le sont moins, parce qu’on mêle les deux choses.

On dit, en général, que le passé ne se change pas. Mais ce n’est pas vrai, le passé se change de deux façons :

 en ajoutant des choses à ce dont on se souvient
 en les regardant d’un autre point de vue. Quand vous vous rappelez l’endroit où vous avez vécu quand vous étiez enfant, c’était un univers immense et si vous revenez 30 années après, c’est un tout petit endroit. Quand tu étais enfant, le quartier, où tu vivais, c’était énorme et maintenant tu le parcours en 5 minutes. Donc, le souvenir change, selon ton point de vue.

Combien de fois, j’ai attaqué mon père ou ma mère dans ma mémoire. Mais maintenant que je suis devenu adulte, je me dis que ma mère, cette pauvre femme a perdu une merveilleuse communication avec un fils. C’est une catastrophe d’avoir des enfants et de ne pas communiquer bien avec eux. Une catastrophe pour toi, car la relation avec tes enfants t’apporte un trésor. Il va falloir que je pardonne à mon père, à ma mère, de tellement de mal qu’ils m’ont fait. Mais plus j’avance, plus je me dis « oui mais je les ai déçus ». Mon père voulait que je sois à l’université et ma mère que je sois chef d’orchestre. Ils ne voulaient pas que je sois ce que j’étais. Je les ai déçus. Je n’étais pas ce qu’ils voulaient. Donc c’est à moi de leur demander pardon, à l’intérieur de moi, de les avoir déçus. Même si j’avais raison de faire ce que je voulais. Mais eux ont souffert car ils n’ont pas trouvé en moi ce qu’ils voulaient, ils ont vécu dans cette souffrance. Alors je change mon point de vue et au lieu de me plaindre tout le temps, je me dis qu’ils ont souffert, peut-être plus que moi.

L’être essentiel est dans chaque être humain, c’est un trésor merveilleux mais qui peut tomber dans une boîte, dans un corset qui le tient prisonnier toute la vie. Comme il doit souffrir d’être ainsi prisonnier dans un mental.

Chaque fois que j’ai un souvenir d’enfant douloureux, je voyage dans ma mémoire et je ne suis plus triste maintenant. J’ai dit à mon enfant : « Alexandrito, ne sois pas triste, je suis là, tu n’es pas tout seul, tout le temps, j’étais là. Pourquoi es-tu triste ? »
« Parce que mes amis ne jouent pas avec moi »
« Je joue avec toi, tu es mon ami »
Alors, j’ajoute dans mon enfance, des choses que je n’avais pas dans ma mémoire et je change ma mémoire. Parfois, même j’ajoute des choses imaginaires. Je me mets des ailes et je me fais voler comme une libellule. Et aujourd’hui, si je suis triste, qu’est-ce que je fais ? Je vais devenir un vieillard de 3 000 ans qui vient me voir et qui me dit « mais Alexandro, c’est moi, j’ai vieilli et tu vois tu n’es pas tout seul, je suis à côté de toi. J’ai une sagesse millénaire et je peux te conseiller ». Alors tu peux travailler avec ta mémoire et la mémoire change. Quand il y a une personne qui souffre du passé, il faut la recadrer, lui faire colorer sa mémoire.

En arrivant chez vous, vous prendrez un de vos souvenirs douloureux et vous le recadrez et vous le recolorerez. Par exemple, si vous avez vu le cadavre d’un chien pourri, vous faites pousser des fleurs. Il est devenu de l’engrais et dans votre mémoire vous faites pousser des fleurs .

Il y a une mémoire du futur : rappelez-vous que dès que vous naissez vous cherchez ce qui est agréable et à nous éloigner de ce qui est désagréable.

Moullana Rhudin s’était cassé une jambe et il a fait un trou dans le mur de sa maison pour passer sa jambe à l’extérieur pour l’éloigner !

On va arrêter de penser que le futur est terrible, mais qu’il est agréable. Oui je vais mourir mais très agréablement, cela va être un moment tellement beau, la goutte divine va rentrer dans l’océan divin et l’océan divin c’est un orgasme continuel. Le futur qui nous attend est hyper-agréable. Arrêtons de lire les journaux ! Il faudrait entre deux choses désagréables, choisir la moins désagréable.

Pour l’enfant, la chose la plus terrible, c’est de ne pas être aimé des parents. C’est la catastrophe la plus grande qui puisse arriver. Alors, il ne va jamais dire que les parents ont des défauts, il va dire « je suis le coupable, s’ils ne m’aiment pas, c’est ma faute ». Reconnaître que l’on n’est non-aimé est tellement désagréable que l’on va choisir de se rendre malade. Ce qui est moins désagréable que de faire face au problème que l’on n’est pas aimé. On va faire une dépression, un cancer, une anorexie ou toute sorte de maladie. Etre très malade est moins désagréable qu’accepter qu’on n’a pas été aimé.

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